Jurisprudence
· Contrat de travail
La convention tripartite de mobilité intragroupe ne relève pas de l'article L1224-1 du code du travail. Le nouvel employeur n'est donc pas tenu des manquements imputables au premier employeur (Cass. soc., 23 mars 2022,n° 20-21.518)
Le contrat de mission à terme précis conclu pour remplacer un salarié absent décédé par la suite doit être poursuivi jusqu'à son terme ( Cass.soc., 12 janv. 2022, n°20-17.404)
· Durée du travail
Il appartient à l'employeur de vérifier l'amplitude et la charge det ravail du salarié en forfait jours. En l’espèce, l'employeur faisait valoir que les récriminations du salarié coïncidaient avec le refus d'une promotion et qu'il avait bien saisi le médecin du travail des alertes du salarié.
Pour la Cour, l'employeur ne justifiait pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail du salarié restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition dans le temps du travail et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont il résultait que l'employeur avait manqué à son obligationde sécurité (Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-16.683 FS B).
Le salarié en forfait jours était soumis à un planning de jours de présence. Ne respectant pas ce planning, le salarié avait été licencié pour faute grave.
Pour contester son licenciement, il faisait valoir que sa qualité de cadre au forfait jours lui permettait une liberté totale dans l’organisation de son travail.
Pour la Cour de cassation, une convention individuelle de forfait annuel en jours n'instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l'organisation du travail par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction (Cass. soc. 2 févr. 2022 n° 20-15.744)
Les congés payés doivent être comptabilisés comme du temps de travail effectif pour apprécier le seuil de déclenchement des heures supplémentaires (CJUE,13 janv. 2022, C-514/20)
· Licenciement
Tenu par une obligation de prévention de la santé et de sécurité des salariés, l'employeur est en droit de licencier un salarié qui ferait le choix de déménager à plusieurs centaines de kilomètres du siège de la société (CA Versailles 10mars 2022 n° 20/02208)
Un salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle après avoir refusé une rétrogradation disciplinaire. Pour la Cour d'Appel, l'employeur aurait dû licencier pour motif disciplinaire. La Cour de cassation censure ce raisonnement : « c'est le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement, peu important la proposition faite par l'employeur d'une rétrogradation disciplinaire, impliquant une modification du contrat de travail refusée par le salarié » (Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-17.005).
L'indemnité prévue par l'article L 1235-16 du Code du travail en cas d’annulation de la décision de validation ou d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi pour un motif autre que l’absence ou l’insuffisance du plan répare le préjudice résultant pour le salarié du caractère illicite de son licenciement et ne se cumule donc pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui répare le même préjudice lié à la perte injustifiée de l'emploi (Cass. soc. 16févr. 2022 n° 19-21.140 FS-B).
· Rémunération
Le droit au paiement prorata temporis d'une prime semestrielle à un salarié ayant quitté l'entreprise, quel qu'en soit le motif, avant la date de son versement ne peut résulter que d'une disposition conventionnelle ou d'un usage dont il appartient au salarié de rapporter la preuve (Cass. soc. 6 avril 2022 n° 20-18.249)
En matière de paiement de la participation, c'est le délai de prescription de droit commun de 5 ans qui s'applique (Cass. soc., QPC, 23 mars 2022, n° 21-22.455, n°566FS-B)
Lorsqu'une prime constitue la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, elle s'acquiert au prorata du temps de présence du salarié dans l'entreprise au cours de l'exercice et ce même si le contrat de travail ne prévoit pas cette proratisation (Cass. soc., 9 févr.2022, n° 20-12.611)
· Relations collectives
Une OS avait saisi le Tribunal Judiciaire aux fins d'annulation d'une liste ne comportant qu'une candidature, pour non-respect des règles de représentation équilibrée. La candidate est néanmoins élue et postérieurement le Tribunal rejette la demande d'annulation de la liste. L'OS ressaisit le Tribunal cette fois aux fins d'annulation des élections sur la base de moyens identiques à la première procédure.
Le Tribunal rejette cette demande en application du principe de l'autorité de la chose jugée de la 1ère décision.
La Cour de cassation censure ce raisonnement : "L'instance tendant à l'annulation des opérations électorales, une fois celles-ci intervenues, n'a pas le même objet que celle visant à vider préventivement le litige relatif aux candidatures. Il en résulte que la décision prise en matière de contentieux préélectoral n'a pas autorité de chose jugée dans le litige tendant à l'annulation des élections professionnelles" (Cass. soc., 6 avr.2022, n° 20-18.198).
Lorsqu'une négociation obligatoire est en cours, l'employeur ne peut, dans les matières traitées, arrêter de décisions unilatérales concernant la collectivité des salariés, sauf si l'urgence le justifie.
L'urgence est appréciée souverainement par les juges du fond (Cass. soc., 23 mars 2022, n° 20-21.726F-D)
Dans les entreprise de moins de 50 salariés, les membres du CSE peuvent être désignés DS. Toutefois, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures,de sorte que la Cour de cassation le réservait jusque-là aux membres titulaires.Dans cet arrêt, la Cour étend la solution aux membres suppléants qui disposent d'un crédit d'heures dans les situations suivantes : crédit d’heures de délégation en application soit des dispositions de l’article L.2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral, soit du fait qu’il remplace momentanément un membre titulaire, soit en application d’un accord collectif dérogatoire ( Cass. soc., 23 mars 2022, n° 20-16.333 et20-21.269)
L'analyse de l'évolution de la rémunération dans toutes ses composantes et l'analyse de la politique de recrutement et des modalités de départ, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitude,entrent dans la mission de l'expert désigné dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi (Cass. soc., 23 mars 2022, n° 20-17.186)
Une réorganisation peut être mise en œuvre par l'employeur avant la date d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi par l'autorité administrative,dès lors que le CSE a été saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs (Cass. soc., 23 mars 2022, n° 20-15.370)
Le représentant de section syndicale n'est pas de droit représentant syndical au CSE (Cass. soc., 23 mars 2022, n° 20-20.397)
Il était reproché à l'employeur d'avoir été déloyal d'une part en menant en 2020 des négociations collectives conduisant à un accord de rupture conventionnelle collective et en adressant un mois après aux représentants du personnel un projet de modification des contrats de travail et un projet de plan de sauvegarde de l'emploi et d'autre part en signant le 16 janvier 2019 un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pour une durée de trois ans.
Pour la juridiction administrative, la circonstance qu'un accord de rupture conventionnelle collective a été conclu dans une entreprise ne fait pas obstacle par elle-même à ce que celle-ci établisse et mette en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi, dès lors que ce dernier respecte les stipulations de cet accord qui lui sont applicables (CAA Paris, 14 mars 2022, n°21PA06607)
L’accord majoritaire déterminant le contenu du PSE peut être conclu au niveau de l’UES mais doit être signé
- par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau de l'UES ;
- soit par chacune des entreprises constituant l'UES, soit par l'une d'entre elles, sur mandat exprès préalable des entreprises membres de l'UES (CE,2 mars 2022, n° 438136)
Une OS non signataire d'un accord collectif est recevable à invoquer par voie d'exception et sans condition de délai l'illégalité d'une clause de cet accord lorsque cette clause est invoquée pour s'opposer à l'exercice de ses droits propres résultant des prérogatives syndicales qui lui sont reconnues par la loi (Cass. soc. 2 mars 2022 n° 20-18.442).
Les ruptures conventionnelles intervenues dans un contexte de suppression d'emploi dues à des difficultés économiques et qui s'inscrivent dans un projet global et concerté de réduction des effectifs au sein de l'entreprise doivent être prises en compte pour déterminer les obligations de l'employeur en matière de PSE (Cass. soc., 19 janv. 2022, n° 20-11.962)
· Salaries protégés
Un salarié titulaire de divers mandats avait été réintégré après qu'ait été constatée la nullité de l'autorisation de licenciement.
Il saisit la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir diverses sommes concernant la période entre son licenciement et sa réintégration, notamment une somme à titre de dommages-intérêts pour majoration d'impôt sur le revenu.
La Cour de cassation rejette cette demande : "les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l'indemnisation de la victime"
Les conséquences fiscales du versement de l'indemnité due au salarié protégé au titre de son éviction ne sont donc pas prises en compte au titre de« l'indemnisation de la totalité du préjudice » prévue à l'article L. 2422-4 du code du travail, ou du « principe de réparation intégrale du préjudice »résultant de l'article 1241 du code civil (Cass. soc., 6 avr. 2022, n°20-22.918)
Il était reproché à l’employeur d’avoir attendu la fin de la période de protection pour procéder au licenciement du salarié.
L’employeur faisait, lui, valoir que le comportement fautif avait persisté après la fin de la protection.
A juste titre puisque la Cour de cassation reproche à la Cour d’Appel de ne pas avoir recherché si ce n'était pas postérieurement à l'expiration de la période de protection que l'employeur avait eu une exacte connaissance des faits reprochés au salarié commis durant cette période, et si le comportement fautif reproché au salarié n'avait pas persisté après l'expiration de la période de protection (Cass. soc., 16 févr. 2022,n° 20-16.171)
Ne constitue pas un manquement à l'obligation de loyauté, le travail accompli par le salarié, durant un arrêt maladie, pour le compte d'un autre employeur dès lors qu'il ne s'agit pas d'une activité concurrente (CE 4févr. 2022 n° 438412)
· Contentieux
Le profil LinkedIn constitue un moyen de preuve licite (Cass. soc., 30 mars 2022, n° 20-21.665)
· AT/MP
L'employeur est en droit de contester l'imputation des conséquences d'une maladie professionnelle à son compte employeur sans que puisse lui être opposée la forclusion de la contestation du dernier taux de cotisation notifié et sans qu'il ait à attendre la notification des taux à venir (Cass. 2e civ. 7 avril2022 n° 20-18.310).
Le défaut d'imputabilité à l'employeur de la maladie professionnelle qui n'a pas été contractée à son service n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge (Cass. 2e civ., 17 mars 2022, n° 20-19.294 FSB)
Textes
· LOI n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail applicable à compter du 1er avril 2022
Nouvelle définition du harcèlement sexuel
Renforcement de la prévention au travail
Élargissement de l'obligation d'évaluation des risques professionnels
Création d'un passeport prévention
Mise à jour renforcée du DUERP
Numérisation du suivi médical des salariés
Renforcement de la formation des élus du personnel
· Rapport de l'OIT, GB.344/INS/16/3,section institutionnelle, 16 févr. 2022
Dans le cadre d'un accord de performance collective, le fait de considérer que le licenciement consécutif au refus du salarié d’accepter l’application de l’accord repose sur «un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse», empêche un contrôle réel du juge sur la justification du licenciement, en violation des articles 8 et 9 de la convention. Le contrôle du juge est en effet limité à une simple vérification procédurale de la validité de l’accord.« Le comité considère que (…) le juge doit pouvoir continuer à procéder à un véritable contrôle judiciaire(…) Il appartient au juge dans le cadre des procédures judiciaires relatives au licenciement fondé sur l’article L. 2254-2 de déterminer s’il existe ou non un motif valable au sens de l’article 4 de la convention, à savoir si le motif du licenciement est fondé sur «les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service», étant établi que, au cours du débat judiciaire, la charge de la preuve ne devra pas reposer sur le seul salarié. Le comité prie le gouvernement de tenir, dans le cadre du contrôle régulier de l’application de la convention,la CEACR informée à cet égard ».
· Mise à jour de la charte URSSAF du cotisant contrôlé
Nouvelles règles en matière de contrôle sur support dématérialisé ;
Réduction à un mois du délai pour effectuer un remboursement en cas de notification de crédit faisant suite au contrôle ;
Aménagement des délais d’émission des actes de recouvrement et de prescription pris dans le cadre de la crise sanitaire.
· LOI n° 2022-401 du 21 mars 2022visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte
Diverses mesures renforçant la protection du lanceur d’alerte défini comme « une personne physique qui signale ou divulgue sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime,un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation, d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement ».
· Répartition équilibrée dans les instances dirigeantes : un décret du 26 avril 2022 précise les modalités de calcul et de publication, sur le site internet de l'entreprise et sur celui du ministère du travail, des écarts de représentation entre les femmes et les hommes au sein des instances dirigeantes des entreprises d'au moins 1000 salariés pour le troisième exercice consécutif.
La loi égalité économique et professionnelle du 24 décembre 2021 prévoit de porter la proportion de femmes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes d’au moins 30 % à compter du 1er mars 2026 et de 40 %, à compter du 1er mars 2029.
Charlotte Hammelrath
Ronan Le Balc’h
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