Actualité Sociale- juin 2024

 

Ø Jurisprudence

 

·       Rémunération

Lorsqu'un salarié refuse la modification de son contrat de travail résultant des préconisations du médecin du travail, il peut prétendre au maintien de son salaire jusqu'à la rupture du contrat.

Pour la Cour d'Appel, si la salariée pouvait refuser de signer l'avenant de passage à temps partiel proposé, elle ne pouvait pour autant bénéficier d'une reprise du paiement d'un salaire à temps plein.

La Cour de cassation censure cette décision : l'employeur ne pouvait unilatéralement imposer au salarié une durée de travail à temps partiel et procéder en conséquence à la diminution de sa rémunération sans son accord (Cass. soc., 19 juin 2024, n° 22-23.143)

La clause d'un prêt consenti par un employeur, selon laquelle le remboursement de ce prêt sera anticipé en cas de départ du salarié de l'entreprise est licite (Cass. soc., 2 mai 2024, n° 22-17.878)

Lorsque les conditions de l'exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, le salarié s'expose à une retenue sur salaire, l'employeur n'étant pas tenu de saisir préalablement le juge du bien fondé de l'exercice de ce droit par le salarié (Cass. soc., 22 mai 2024, n° 22-19.849 FS-B)

 

·       Contrat de travail

Lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit par un contrat à durée indéterminée à la suite d'un ou de plusieurs contrats de travail à durée déterminée, la durée du ou de ces contrats est déduite de la période d'essai éventuellement prévue dans le contrat de travail à durée indéterminée, peu important que ces CDD soient espacés de plusieurs semaines.

En l'espèce, la salariée avait travaillé en CDD du 18 au 31 mai 2017, du1er juin au 30 juin 2017 et enfin du 1er août au 30 août 2017 avant de conclure un CDI au 4 septembre 2017. Pour la Cour de cassation, toutes les CDD devaient être décomptés de la période d'essai (Cass. soc., 19 juin 2024, n°23-10.783).

L'employeur ne peut refuser aux salariés transférés dans le cadre de l’article L1224-1 du code du travail le bénéfice, dans l'entreprise d'accueil, des avantages collectifs, qu'ils soient instaurés par voie d'accords collectifs, d'usages ou d'un engagement unilatéral de l'employeur, au motif que ces salariés tiennent des droits d'un usage ou d'un engagement unilatéral en vigueur dans leur entreprise d'origine au jour du transfert ou des avantages individuels acquis en cas de mise en cause d'un accord collectif (Cass. soc.,22 mai 2024, n°22-14.984 ; Cass. soc., 22 mai 2024, n° 23-10.214)

La conclusion d'une convention de rupture entre l'employeur et le salarié mentionnant qu'il prenait ses fonctions auprès d'un nouvel employeur et la conclusion d'un CDI avec le nouvel employeur ne constitue pas une convention tripartite qui suppose une convention signée entre le salarié et ses employeurs successifs organisant la poursuite du même contrat de travail (Cass. soc., 7 mai 2024, n°22-22.641)

 

·       Durée du travail

L'interdiction de faire travailler des salariés le dimanche après-midi dans le commerce de détail alimentaire n'est contraire ni à la liberté d'entreprendre ni à la liberté religieuse (Cass. soc., 15 mai 2024,n°22-23.399)

  

·       Rupture du contrat de travail

Aux termes de l'article L1231-5 du code du travail "Lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein".

Cette obligation s'impose à la maison mère même en cas de rupture d'un commun accord du contrat de travail, et non d’un licenciement, avec la filiale (Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-20.199)

Lorsque le salarié dissimule volontairement des éléments dont il connait le caractère déterminant pour l'employeur afin d'obtenir le consentement de ce dernier à la rupture conventionnelle, le consentement de l'employeur est vicié ce qui emporte nullité de la rupture conventionnelle et démission du salarié (Cass. soc., 19 juin 2024, n° 23-10.817)

Lorsque le salarié en raison de son état de santé travaille selon un temps partiel thérapeutique lorsqu'il est licencié, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est le salaire perçu par le salarié antérieurement au temps partiel thérapeutique et à l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé et que l'assiette de calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celle des douze ou des trois derniers mois précédant le temps partiel thérapeutique et l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé (Cass. soc., 12 juin2024, n° 23-13.975)

Des propos à connotation sexuelle, insultants et dégradants envers d'autres salariés justifient la rupture du contrat de travail quand bien même de tels propos auraient jusqu'alors été tolérés par l'employeur (Cass. soc.,12 juin 2024, n° 23-14.292)

La lettre de l'employeur demandant au salarié de cesser de formuler des allégations outrancières envers sa hiérarchie et de travailler dans un esprit d'équipe conformément aux directives qui lui étaient données constitue une sanction disciplinaire de sorte que ces griefs ne peuvent plus être invoqués à l'appui d'une rupture du contrat de travail (Cass. Soc., 29 mai 2024,22-19.313)

Dans le sens inverse ; Le courriel par lequel l'employeur, qui n'a pris aucune mesure à l'encontre du salarié, se borne à lui demander de faire preuve de respect à son égard, de cesser d'être agressif, de faire preuve de jugements moraux, de colporter des rumeurs et autres dénigrements auprès de la clientèle et des autres salariés constitue tout au plus un rappel à l'ordre et non une sanction disciplinaire de sorte que l'employeur n'a pas épuisé son pouvoir disciplinaire (Cass. soc., 20-3-2024 n° 22-14.465)

L'employeur qui entend engager une procédure de licenciement pour faute grave n'étant pas tenu de prononcer une mise à pied conservatoire, le maintien du salarié dans l'entreprise pendant le temps nécessaire à l'accomplissement de la procédure n'est pas exclusif du droit pour l'employeur d'invoque l'existence d'une faute grave (Cass. Soc.,2 mai 2024, 22-13.869)

·       Licenciement économique

Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation.

A ce titre, le salarié peut être informé du motif économique dans la convocation à l'entretien préalable (Cass. soc., 29 mai 2024, n° 22-21.768)

Il appartient à l'employeur, même quand un PSE homologué par l'administration a été établi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement prévues ou non dans ce plan et de faire des offres précises, concrètes et personnalisées à chacun des salariés dont le licenciement est envisagé, de chacun des emplois disponibles, correspondant à leur qualification. En l’espèce, l’employeur s’était contenté de communiquer aux salariés une proposition individualisée de reclassement sur une liste de postes disponibles recensés dans le PSE et n’avait donc pas respecté son obligation individuelle de reclassement (Cass. soc., 15 mai 2024, n°22-20.650)

  

·       Discrimination / Enquête interne

Des propos à caractère raciste tenus par la supérieure hiérarchique au cours d'un repas de Noël avec des collègues de travail relèvent de la vie professionnelle de la salariée et laissent supposer une discrimination en raison de son origine (Cass. soc., 15 mai 2024 n° 22-16.287)

Dans son appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui a fait ressortir que l'employeur avait pris les mesures suffisantes de nature à préserver la santé et la sécurité de la salariée, a pu en déduire, nonobstant l'absence d'enquête interne, que celui-ci n'avait pas manqué à son obligation de sécurité. (Cass. soc., 12 juin 2024n° 23-13.975 FS-B)

 

·       Accident du travail

Le décès intervenu en situation de télétravail durant les horaires de travail est présumé être un accident du travail (CA Nîmes 2 mai 2024 23/00507)

 

·       Procédure

Une Cour d'Appel ne peut déclarer irrecevable une demande nouvelle au titre de l'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement sans rechercher, même d'office, si la demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement n'était pas la conséquence ou le complément nécessaire de la demande de la salariée tendant à dire le licenciement à titre principal nul, à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc.,12 juin 2024 n° 23-13.975 FS-B).

L'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. En l'espèce, le salarié produisait un PV d'huissier retranscrivant un enregistrement des propos tenus par le gérant de la société à l'insu de celui-ci.

Pour la Cour de cassation la production de cette preuve était indispensable à l'exercice par la victime de son droit à voir reconnaître tant le caractère professionnel de l'accident résultant d'une altercation que la faute inexcusable de son employeur à l'origine de celle-ci, et que l'atteinte portée à la vie privée du dirigeant de la société employeur était strictement proportionnée au but poursuivi d'établir la réalité des violences subies parelle et contestées par l'employeur (Cass. 2e civ. 6juin 2024 n° 22-11.736 FS-BR).

Si l'action en requalification de contrats de mission, ou de CDD, en CDIse prescrit par 2 ans, celle des demandes indemnitaires en résultant dépend de la nature de la créance :

-        12 mois pour la demande relative aux dommages-intérêts pour licenciement abusif

-        3 ans pour la demande en paiement d'une indemnité de préavis (Cass. soc., 24 avr. 2024, n°23-11.824)

La collecte par l'employeur de données relatives à ses salariés quand bien même elles seraient recensées sur des sites publics constitue un délit (Cass. crim., 30 avr. 2024, n° 23-80.962)

  

·        Relations collectives/salariés protégés

Selon l'article L. 2145-1 du code du travail, les salariés appelés à exercer des fonctions syndicales bénéficient du congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale prévu à l'article L. 2145-5. La durée totale des congés pris à ce titre dans l'année par un salarié ne peut excéder dix-huit jours.

Le refus abusif de l'employeur d’accorder ces congés justifie des dommages et intérêts pour le salarié ainsi que pour le syndicat au titre de l'intérêt collectif de la profession mais ne constitue pas un délit d'entrave au droit syndical(Cass. soc., 12 juin 2024, n° 22-18.302)

L'abus par le salarié protégé de son droit de retrait peut justifier son licenciement (CE, 28 mai 2024, n° 472007)

L'employeur privé qui s'oppose au renouvellement du détachement d’un fonctionnaire bénéficiant du statut protecteur est tenu de solliciter une autorisation administrative de mettre fin au contrat de travail (Cass. soc., 29 mai 2024,n° 22-17.667)

 

 
Ø Textes législatifs

 

Questions-réponses relatif à l'accès des salariés et représentants du personnel aux zones sécurisées durant les Jeux Olympiques

https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/l-actualite-du-ministere/article/acces-des-salaries-et-representants-du-personnel-aux-zones-securisees-durant

 

Arrêté du 3 juin 2024 fixant les modèles de documentsd'information prévus par l'article R. 1221-38 

Publication des modèles de documents destinés à informer les salariés surles éléments de la relation de travail en application de la loi DDADUE du 9mars 2023 et du décret du 30 octobre 2023

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049723984

 

Décret n° 2024-514 du 6 juin 2024 relatif aux mentionscomprises dans l'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral

« Art. D. 2314-1-1.-L'invitation à négocier le protocole d'accordpréélectoral mentionné à l'article L. 2314-5, précise au moins les élémentssuivants :

« 1° Le nom et l'adresse de l'employeur, ainsi que, le cas échéant, ladésignation de l'établissement ;

« 2° L'intitulé et l'identifiant de la convention collective de brancheapplicable, le cas échéant ;

« 3° Le lieu, la date et l'heure de la première réunion mentionnée au quatrième alinéa du même article. »

 

Charlotte Hammelrath

Ronan Le Balch

Avocats à la Cour